Alarmant, choquant, explosif, sulfureux, puissant, choquant, accusateur… tous les adjectifs utilisés pour qualifier le rapport de l'ONU de plus de 500 pages sont loin de rendre toute l'horreur, tous les malheurs, toutes les atrocités subies par les victimes civiles. 617 crimes répertoriés, avec à la clé des dizaines de milliers de morts, dans ce rapport qui accuse, entre autres, notamment l'armée rwandaise de «nombreux actes de violence graves commis à l'encontre des Hutu en 1996 et 1997» - ces Hutu qui s'étaient réfugiés au Congo en raison de l'arrivée au pouvoir en 1994 à Kigali de la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR) qui avait mis fin à un génocide ayant fait environ 800 000 morts, selon l'ONU, surtout parmi la minorité tutsi. Un véritable inventaire d'atrocités et d'horreur commises au Congo dix années durant.
Génocide
Le document controversé énumère une longue liste d'atrocités commises dans notre pays de 1993 à 2003 par plusieurs pays africains, et affirme en particulier que les attaques des forces rwandaises contre des réfugiés hutus pourraient être qualifiés de «génocide» si ces actes étaient prouvés «devant un tribunal compétent». Le Rwanda, mis en cause, se réserve le droit de revenir sur ses engagements avec les Nations unies.
Le Rwanda accusé de génocide, crime dont il a toujours accusé les autres, voilà qui blesse et fait irriter les autorités de Kigali qui qualifie ce rapport de «mauvais et dangereux du début à la fin, une insulte à l'histoire». À cause de ce «rapport inacceptable», qui met son pays en cause, selon Louise Mushikiwabo, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, le Rwanda se réserve le droit de revenir sur ses engagements avec les Nations unies. La patronne de la diplomatie rwandaise accuse même le rapport de manque de crédibilité, estimant que «le Rwanda ne peut pas être accusé par des personnes anonymes».
En août, en raison des fuites de ce rapport dont la publication a été retardée à cause d'une vive controverse - question de laisser le temps aux «États concernés» de faire des commentaires qui seront ajoutés au document - les autorités rwandaises ont menacé de retirer leurs 3 550 soldats de la paix au Soudan. Ensuite, la visite éclair au Rwanda du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-Moon, a contribué à faire baisser l'irritation de Paul Kagamé dont le gouvernement a confirmé par la suite qu'il maintiendrait ses troupes dans le cadre de la mission de maintien de la paix au Soudan.
L'Ouganda, qui est également indexé pour son implication dans de possibles «crimes de guerre», rejette ce rapport dans sa totalité, en dénonçant «un condensé de». Le Burundi refuse lui aussi de reconnaître un rapport qui est «clairement destiné à déstabiliser la sous-région et qui n'a pas été mené de façon objective». Le Burundi n'a jamais reconnu une présence militaire au Congo.
L'Angola a également réagi de la même façon. Luanda se dit «particulièrement outragé» et rejette les «accusations» d'exécutions sommaires et de viols.
Un rapport qui est «clairement destiné à déstabiliser la sous-région…», voilà des arguments de nature à faire infléchir les positions des uns et des autres pour les amener à ne pas aller plus loin que la seule publication du rapport pour éviter que la sous-région, déjà instable, ne puisse basculer dans une crise sans fin.
L'opposition rwandaise demande un tribunal international
Un parti rwandais d'opposition non reconnu par les autorités a exhorté les Nations unies à mettre en place un tribunal international chargé de juger les responsables des crimes commis contre les réfugiés hutu au Congo. Selon un communiqué publié par les Forces démocratiques unifiées (FDU) dont la présidente, Victoire Ingabire, signataire de ce texte en anglais, se trouve en résidence surveillée depuis avril, «toutes les victimes demandent justice et réhabilitation». Le parti «exhorte en particulier le Conseil de sécurité de l'ONU à honorer ses obligations internationales de punir le génocide et les crimes contre l'humanité, notamment par la mise en place d'un tribunal international approprié pour punir les coupables au sein de l'actuel régime rwandais et réhabiliter les victimes de ces crimes absolus», indique le texte.
Rapport bien accueilli
En dépit des réactions négatives des pays incriminés, le rapport onusien a été favorablement accueilli par de nombreuses ONG de droits de l'Homme et, particulièrement, par le Congo, principale victime des plus graves violations de droits de l'Homme et du droit humanitaire international commises dans son territoire. Notamment l'ONG Human Rights Watch (HRW), dont un des membres, Carina Tertsakian, qui estime que «Ce rapport est très puissant, dans la mesure où il documente en détail des évènements sur une période de dix ans». «Quand on le lit, c'est incroyablement choquant, l'horreur et la magnitude de la violence», ajoute-t-elle.
Pour l'auteur du rapport, Navanethem Pillay, Haut Commissaire aux droits de l'homme, «Ce rapport reflète l'engagement des Nations unies à aider le gouvernement du Congo dans ses efforts pour éradiquer la culture de l'impunité qui a permis les violences sexuelles et d'autres graves violations des droits de l'homme».
Pour Amnesty International, la publication du rapport constitue «un premier pas significatif», mais l'organisation réclame «des actions concrètes» pour que les responsables soient jugés. L'ONG estime par ailleurs «assez scandaleux que des pays africains dénigrent le travail de l'ONU».
Pression politique inacceptable
Pour ce qui est des pressions politiques, c'est vraiment inacceptable que l'Ouganda ou autres aient fait pression pour empêcher la publication de ce rapport.
Le rapport publié, le plus dur reste à faire. Il incombe aux autorités congolaises de pousser sur l'accélérateur en vue de prouver que ces actes sont des crimes de génocide. C'est la compétence d'un tribunal spécial qui doit, selon un diplomate, statuer au cas par cas. Cela établi, il revient à la justice internationale de faire son travail en poursuivant les auteurs pour que l'on ne parle plus d'impunité dans ce pays qualifié de «royaume de viols».
Ileka Atoki, ambassadeur du Congo auprès des Nations Unies a accueilli favorablement le rapport onusien, qualifiant le document de «détaillé» et de «crédible» qui démontre, selon lui, «l'horreur indicible et l'étendue des crimes que le peuple congolais a endurés».
Le ministre congolais de la Justice, Luzolo Bambi, a également salué ce rapport en demandant à la communauté internationale d'aider son pays à acquérir les moyens matériels et financiers pour lui permettre de réformer la justice congolaise.
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Si le rapport, selon certains pays incriminés, est un «condensé de rumeurs» fait de manière non objective, pourquoi ces pays ont fait pression pour empêcher la publication de ce rapport qui dérange quand même? Ce n'est vraiment la publication de ce rapport qui va favoriser l'embrasement de la sous-région, épouvantail avancé par le Burundi. La réalité cruelle que ces pays incriminés veulent étouffer, c'est que la paix durable dans la région des Grands Lacs doit nécessairement passer par la lumière qui doit être faite sur tous les crimes qui ont été perpétrés pas seulement au Congo, mais dans toute la sous région.
Mais il faut que, pour ce rapport, le Congo, qui a perdu environ 5 millions de ses fils et filles, fasse pression pour que la Communauté internationale passe de la simple élaboration du rapport (décompte macabre) au jugement des auteurs au cours des procès que les Congolais attendent impatiemment. En effet, la publication dudit rapport prouve qu'au Congo, des crimes de génocide, de graves violations des droits de l'Homme et du droit humanitaire international ont effectivement été commis.
par Kléber Kungu, L'Obsérvateur de Kinshasa
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