jeudi 22 juillet 2010

Les civils confrontés à des risques accrus_ de viol et de travail forcé par l'armée

OXF/Les civils à l’Est du pays sont confrontés à des risques accrus de viol et de travail forcé du fait des opérations militaires menées avec le soutien de la communauté internationale contre les groupes rebelles, selon une nouvelle enquête publiée ce jeudi 15 juillet 2010 par l’ONG Oxfam.

L’étude à révélé que 60 % des personnes interrogées se sentent moins en sécurité que l’année dernière, alors que les femmes et les garçons sont particulièrement exposés. Cette enquête a couvert différentes zones touchées par l’offensive Amani Leo ("la paix maintenant") - soutenue par le Conseil de Sécurité des Nations unies - contre des groupes rebelles.

75 % des femmes interrogées ont déclaré se sentir plus en danger qu’il y a un an, cette proportion atteignant jusqu’à 99 % dans certaines zones du Sud Kivu au centre des opérations d’Amani Leo. De même, 65 % des garçons interrogés ont indiqué qu’ils se sentent moins en sécurité, cette proportion montant jusqu’à 100% là où les opérations étaient en cours. Les femmes ont dit que le viol avait augmenté dans 20 des 24 communautés étudiées, alors que les garçons ont déclaré que les écoles subissaient régulièrement des raids pour avoir recours à du travail forcé. Dans certaines zones, l’offensive avait engendré des représailles de plus en plus brutales de la part des rebelles.

L'armée aussi responsable
L’armée congolaise a été également identifiée comme l’un des principaux responsables de la violence, 23 communautés sur 24 considérant les soldats comme des menaces pour les civils. Bien que 11 communautés aient mentionné des exemples de soldats protégeant effectivement les populations, que ce soit en conduisant des patrouilles de nuit ou en œuvrant avec succès à la libération de personnes enlevées, une seule communauté n’avait été confrontée à aucune exaction de la part des soldats.

Dans certaines zones, les crimes commis par l’armée étaient si graves - assassinats, torture, incendie de maisons et viol collectif - qu’ils ne pouvaient être différenciés des pires exactions des rebelles. Trois quarts des communautés ont fait état de pillages, les soldats emportant tout depuis l’argent et les téléphones portables jusqu’à la nourriture et au bétail. Une enquête distincte a estimé que 15 barrières érigées sur les routes par l’armée dans cette zone pouvaient prélever jusqu’à 18 000 dollars US chaque mois par extorsion.

Tolérance zéro sans solde?
Malgré la colère suscitée par de telles exactions, de nombreux civils ont jugé que l’armée congolaise vit dans des conditions pitoyables, souvent déployée sans rations, avec des soldes payées de façon irrégulière ou volées par les officiers. "C’est honteux pour un soldat de l’armée nationale de devoir mendier, alors ils volent à la place", a déclaré l’une des personnes interrogées. Toutes les communautés ont affirmé que si les soldats étaient payés à temps, cela améliorerait la sécurité des civils. Le gouvernement congolais a annoncé la mise en œuvre d’une politique de "tolérance zéro" pour toute exaction commise par ses troupes en juillet 2010, mais, comme le révèle cette enquête, les gens considèrent qu’une grande impunité persiste et qu’il n’y a toujours pas un système de justice ou de réparations effectif.

Écoles menacées
Cette offensive a également des conséquences désastreuses sur la jeunesse locale et son éducation. L’enquête a établi que certains éléments de l’armée ciblaient régulièrement les écoles afin d’y trouver des garçons pour qu’ils portent leurs biens. Des classes ont été suspendues et des écoles ont dû se réinstaller ailleurs afin de réduire les risques auxquels sont exposés les élèves. Nombre de ceux qui ont essayé de résister ont été battus, voire tués. Des garçons interrogés ont indiqué qu’ils étaient également souvent accusés d’être des miliciens, le simple fait de porter un tatouage suffisant à ce qu’un jeune homme soit passé à tabac, arrêté ou même assassiné car suspectés d’être un rebelle.

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Les opérations militaires ont un effet dévastateur sur les communautés congolaises, qui sont attaquées de toutes parts. L’armée est censée protéger les gens, mais tant qu’une véritable réforme en profondeur de toute l’armée ne sera pas mise en œuvre, cette offensive continuera de faire peser des risques bien trop élevés sur les communautés. Déployer des troupes sans solde ni ration garantit presque automatiquement que des abus contre les civils seront perpétrés ; laisser passer sous silence les crimes de certains soldats ne fait qu’encourager d’autres à en commettre davantage. Il est clair que les personnes affectées par ces exactions appellent de leurs vœux une réforme de l’armée.

Le Conseil de Sécurité doit respecter sa parole. La France, qui y pilote le dossier congolais, doit notamment s’assurer que toute réduction future des effectifs de maintien de la paix sera décidée en fonction de la situation sécuritaire sur le terrain, des souhaits des communautés congolaises au niveau local, ainsi que de la capacité de l’armée congolaise à protéger sa propre population civile

Commentaire par Marcel Stoessel et Nicolas Vercken

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