Les premiers habitants de nos régions furent les Mbenga (Pygmées). Trop souvent ces chasseurs nomades de petite taille sont marginalisés par la majorité de la population. Par contre, ils souffrent souvent beaucoup plus que la population sédentaire. Dans le diocèse de Wamba, ils sont 45 000 qui constituent 10% de la population. Nous rencontrâmes Mgr. Justin Amboko Asobee, Vicaire Général et Directeur du bureau diocésain de la pastorale des pygmées. C’est un service attaché à Caritas Wamba.
Quelles sont les activités du bureau diocésain de la pastorale des pygmées?
Nos activités sont centrées sur cinq secteurs: la catéchèse, l’enseignement, la santé, l’agriculture et la promotion de la femme.
Parlons d’abord de la catéchèse. Qu’est-ce que sont les buts?
Notre programme de catéchuménat pour l’évangélisation des pygmées a pour objectif l’intégration des pygmées dans les communautés chrétiennes comme des frères et fils de Dieu. Nous constatons que ceux qui deviennent chrétiens, acquirent une mentalité nouvelle qui les aide à prendre conscience de leur destin et à se responsabiliser dans la vie sociale.
Le second point que vous nommâtes, c’est l’enseignement. Des écoles mbenga, ce n’est pas de construire une structure parallèle à celle qui existe déjà?
La scolarisation des enfants est fondamentale pour garantir le futur de ce peuple et éveiller sa dignité. Nous avons 22 écoles primaires et une école secondaire. Parmi le professorat il y a déjà 7 enseignants pygmées. Comme nos écoles sont mixtes, ce n’est pas une structure parallèle. Ces professeurs enseignent aussi à des enfants bantous, quelque chose d’inconcevable il y a seulement quelques années.
Donc le début d’un long chemin?
Nous passons déjà à la première recolte, si j’ose ainsi dire. Un premier fruit des écoles est le jeune Jean Baptiste Ekaka, un pygmée qui a commencé cette année académique ses études de droit à l’Université de Kisangani.
Pour une population nomade, l’encadrement sanitaire n’est pas facile. Comment procedez-vous?
Dans ce secteur notre travail est centré sur la sensibilisation à la médicine préventive. On cible surtout les femmes en leur apprenant des notions d’hygiène. Aussi, quand il y a les moyens, nous payons leurs factures de soins médicaux, parce que les pygmées sont vraiment très limités économiquement.
Vous avez parlé agriculture, ce qui étonne, car les mbenga sont des nomades, connus pour la chasse et la cueillette.
Oui, les pygmées sont en train de passer du nomadisme au sédentarisme et maintenant ils ne peuvent pas vivre seulement des produits de la chasse et la cueillette comme avant; ils ont besoin des produits des champs. Au-delà de l’enseignement technique, nous leur donnons des semences et des outils de travail, pour les encourager.
Quand nous parlâmes santé, vous pointâtes sur le fait de cibler surtout les femmes. Êtes-vous féministe et marginalisez-vous les hommes?
Non, nous avons constaté que, dans la société pygmée, c’est la femme le moteur du foyer. Toutes les activités dépendent de ses décisions. Si la femme dit, par exemple, que l’enfant ne peut pas se rendre à l’école, l’homme n’a rien à dire; si elle dit qu’elle doit aller chez sa famille pendant deux mois, toutes les activités s’arrêtent, pour y aller. Dans notre bureau nous comptons deux animatrices qui font ce travail de formation et de promotion de la femme.
Il y a des accusisations fortes que l’on va trop vite dans les changements culturels des pygmées. Que répondez-vous ?
Ce sont des propos qu’on peut nuancer. Les pygmées sont confrontés à la modernité de manière incontournable. En les accompagnant, nous ne voulons pas les dénaturer, au contraire, nous faisons des efforts pour respecter leur génie culturel. Par exemple nous permettons aux pygmées qui sont dans nos internats d’aller à la chasse ou d’organiser les samedis leur dance traditionnelle. Mais ils expriment d’autres besoins. «Mon père, nous voulons voir un film comme les autres enfants...» Eux aussi veulent avoir accès à ces activités-là.
Nous parlâmes beaucoup des pygmées. Revenons à nous-même, les bantous. Sommes-nous aussi en train de changer de mentalité?
Beaucoup de bantous prennent conscience de la dignité des pygmées et du respect qu’ils doivent avoir envers eux. Le problème ce sont certains chefs traditionnels qui regardent notre pastorale comme une menace. Ils pensent que nous voulons leur ravir les pygmées, qu’ils considèrent comme leur propriété privée. Là, il y a encore du travail à faire. (adm)
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